Sortilèges & Magie - Programme du concert
Paul Dukas – L’apprenti sorcier (1897)
Un défilé ininterrompu de balais erratiques et de seaux incontrôlables, un jeune sorcier aux grandes oreilles puni de sa paresse, bondissant désespérément d’une catastrophe à l’autre et sans cesse dépassé par le désastre qu’il a créé, un chapeau magique et des flots impétueux… Walt Disney fit de L’Apprenti Sorcier, devenue la pièce maîtresse de Fantasia, l’une des œuvres du répertoire symphonique les plus célèbres au monde, une fraction de seconde suffisant le plus souvent pour en identifier le thème. Pourtant, si l’œuvre avait connu le triomphe lors de sa création, elle aurait pu ne jamais connaître pareille postérité : perfectionniste maladif, Dukas a en effet détruit un grand nombre de ses compositions, n’en laissant qu’une trentaine, dont un opéra, Ariane et Barbe-Bleue (1899-1907), un ballet, La Péri (1911), et cinq pièces pour orchestre seulement, L’Apprenti Sorcier étant la plus tardive.
Né à Paris en 1865, d’un père banquier et d’une mère excellente pianiste mais très tôt disparue, Paul Dukas se passionne pour la musique, qu’il aborde en partie de manière autodidacte, et en cachette, avant d’intégrer en 1881 le Conservatoire de Paris, dans les classes d’harmonie, de piano (où il est semble-t-il un élève médiocre), puis de composition. Il y fait la rencontre de Claude Debussy, auquel il restera attaché toute sa vie, puis finit par y enseigner lui-même, ayant entre autres pour élèves Maurice Duruflé ou Olivier Messiaen. Il mène également une carrière de critique musical apprécié, fervent défenseur de Debussy et des compositeurs français, mais qui lui laisse peu de temps pour écrire.
Passionné de littérature autant que de musique, il y puise l’inspiration de nombre d’œuvres, dont un Roi Lear détruit, un projet jamais réalisé autour de La Tempête, et un scherzo symphonique sur une ballade de Goethe, Der Zauberlehrling, devenu L’Apprenti Sorcier. Le poème de 1797, composé de quatorze strophes, met en scène un jeune apprenti qui, son maître ayant le dos tourné, ensorcèle un balais auquel il entend déléguer sa corvée d’eau, mais dont il perd le contrôle. Voulant l’arrêter, il le fracasse à coup de hache, donnant naissance à un second balais, tout aussi indomptable que le premier. C’est le retour du maître qui interrompt le sortilège… et l’inondation.
Le poème symphonique qu’en tire Dukas se structure autour de quatre thèmes : les tressautements du balais fou sont exposés par trois bassons à l’unisson (auquel viendra se joindre la clarinette basse lors de la réexposition, une fois le balais scindé en deux), les miracles de la magie prennent vie sous l’archet des violons, la satisfaction un peu ridicule du naïf apprenti est rendue par les bois, doublés d’un glockenspiel féérique, tandis que la coda, reprenant le thème introductif, rappelle l’incantation du vieux maître et marque le retour à l’ordre.
Fanny Layani
Hector Berlioz – Symphonie fantastique (1830)
1830 : année héroïque, voyant grossir la fièvre du peuple français qui entraîne la chute du monarque Charles X après « Trois Glorieuses » journées de juillet… Pour tous, l’exaltation de la Révolution Française de 1789, les barricades et les chants patriotes ne sont pas si loin et bien des artistes auront à cœur de dépeindre la ferveur et la rage qui règnent dans Paris ; ainsi est-il de la toile La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix ; Hector Berlioz compose sa grandiose Symphonie Fantastique alors que Victor Hugo publie Hernani, d’une modernité insolente pour les classiques.
Loin de n’être que populaire et politique, l’effervescence touche les milieux artistiques – le déjà cité Victor Hugo, dont l’œuvre abonde en ce début de décennie, écrira : « Paris est sur toute la terre l’endroit où l’on entend le mieux frissonner l’immense voilure invisible du progrès ». Le jeune Liszt, pianiste prodige, construit sa renommée dans la capitale française estimant le reste de l’Europe à la traine…
A n’en point douter, avoir vingt ans dans les années 1830 est un ‘plus’ pour toute génération d’artistes européens et il est indispensable de séjourner à Paris, cœur frissonnant du romantisme. Chopin, Mendelssohn, Wagner, Offenbach, d’autres, de près ou de loin s’y rendront, fascinés par la ville. Berlioz n’échappe pas à la règle. Fraîchement arrivé d’Isère, il sort dans les théâtres parisiens des Grands Boulevards, découvre l’œuvre de Shakespeare grâce à de nouvelles traductions et tombe doublement amoureux du dramaturge et de la jeune actrice Harriet Smithson. La Symphonie Fantastique, épisode de la vie d’un artiste… est la partition que Berlioz livre telle une déclaration d’amour pour cette femme qu’il ne connaît pas encore mais qui deviendra …son épouse ; la magie opère lors de la création.
Autoportrait musical, Berlioz se trouve être le personnage central de son œuvre – une œuvre innovante par ses dimensions : un effectif instrumental massif, des alliages de timbres jusqu’alors inexplorés, enfin, un découpage en cinq mouvements dans lesquels circulera un motif lancinant, la fameuse ‘idée fixe’, invention à la manière du leitmotiv wagnérien, évoquant la femme aimée dans l’imaginaire plus ou moins tourmenté du jeune héros.
Devant la difficulté de la partition de cette musique mise au seul service de l’expression des sentiments, les musiciens seront déroutés et il faudra attendre. La Symphonie fantastique sera finalement créée le 5 décembre 1830, au Conservatoire, en présence d’un Franz Liszt enthousiaste !
Déroulé :
I. Rêveries – Passions
II. Un bal
III. Scène aux champs
IV. Marche au supplice
V. Songe d’une nuit de sabbat
Aurélie Vinatier
Aurélien Azan Zielinski, direction
Aurélien Azan Zielinski est nommé directeur artistique de l’Orchestre National de la Radio-Télévision Albanaise depuis septembre 2022, après 7 années comme chef d’orchestre associé à l’Orchestre National de Bretagne. Il est également Professeur de direction d’orchestre à la Haute Ecole de Musique de Lausanne.
Depuis 2012, où il fut lauréat du concours « Talents Chefs d’Orchestre » de l’Adami, il dirige de nombreux orchestres dans le monde entier : l’Orchestre National de France, l’Orchestre National d’Ile-de-France, l’Orchestre de Chambre de Lausanne, l’Orchestre de la BBC Pays de Galles, l’Orchestre de Chambre de Paris, l’Orchestre National de Metz, l’Orchestre Symphonique de Manizales (Colombie), le Royal Philharmonic Orchestra, l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine, l’Orchestre des Pays de Savoie, l’Orchestre National de Cannes, le Metropolitan Festival Orchestra (Singapour), l’Orchestre de Normandie, l’Orchestre Symphonique de Nancy, l’Orchestre de Chambre du Luxembourg.
Tout en cultivant sa prédilection pour le grand répertoire, Aurélien Azan Zielinski exprime ses qualités dans des domaines musicaux très variés, souvent originaux : ciné-concert (Harry Potter), création contemporaine (Clara Ianotta, Rebecca Saunders, Baptiste Trotignon, Benoit Menut, Guillaume Saint-James, Olivier Calmel…), opéra (Le journal d’Anne Frank de Grigori Frid, The Turn of the screw de Benjamin Britten, Trois contes de Gérard Pesson et David Lescot), ballet (Petter Jacobson, Noé Soulier et Alban Richard au Ballet National de Lorraine, Martin Harriague au Ballet de Metz), comédie musicale (Frankenstein Junior, Titanic).
Particulièrement investi dans la transmission auprès des jeunes, Aurélien Azan Zielinski est depuis 2019 chef de l’orchestre DEMOS Kreiz Breizh.
Aurélien Azan Zielinski s’est consacré très jeune et avec succès à la musique dans de multiples domaines : piano, violon, harmonie, analyse, orchestration et direction d’orchestre, avant d’obtenir à 23 ans son Prix de Direction d’Orchestre du CNSMD de Paris. Il a étudié le grand répertoire auprès de Janos Fürst, Jorma Panula et Sergiu Celibidache et s’est perfectionné pour le répertoire contemporain auprès de Zolt Nagy, David Robertson et Pascal Rophé. Il a été l’assistant d’Emmanuel Krivine, de Jacques Mercier et de John Nelson.