Programme du concert
Concerto pour violon en ré mineur
Robert SCHUMANN (1810-1856)
1853 : quelle belle année pour Robert Schumann ! Deux magnifiques rencontres enrichissent son univers affectif et musical. En mai, il écoute le jeune violoniste Joseph Joachim, 22 ans, jouer brillamment le concerto de Beethoven. Il décide immédiatement de lui écrire un concerto, ce qu’il fera en très peu de temps, du 21 septembre au 1er octobre. C’est au milieu de cette intense activité créatrice qu’une deuxième rencontre se produit : le 30 septembre, l’encore plus jeune Johannes Brahms, 20 ans, vient lui jouer quelques-unes de ses compositions, et Schumann découvrira en lui son héritier.
Qui peut alors penser, malgré les fragilités du compositeur, qu’en cette fin d’année il écrira ses dernières œuvres avant sa crise de 1854, suivie de son internement dans un asile dont il ne sortira pas avant sa mort deux ans plus tard ? On serait tenté de voir dans ce concerto et les quelques autres compositions qui l’entourent une manière de testament ; ce serait tout à fait illusoire. Schumann n’y arrête pas son évolution musicale dans un geste dramatique annonciateur de sa folie future. Il en poursuit au contraire la logique : plus de sobriété thématique, un développement plus harmonique que mélodique, un refus de l’expression extravertie des sentiments qui avait pourtant fait sa gloire dans sa jeunesse. Un tel processus est toutefois assez contraire au principe du concerto pour violon, censé mettre en valeur le soliste. Joachim, son dédicataire, ne le jouera jamais, le trouvant trop difficile et pas assez brillant, notamment son final. C’est en 1933 seulement qu’il sera créé, sous une forme arrangée.
Les trois mouvements de ce concerto ont la particularité d’être tous sous une indication de tempo lente : « pas le plus rapide » pour le premier, « lent » pour le deuxième, « vivant mais pas rapide » pour le dernier. Schumann veut que le violon prenne son temps pour exposer et réexposer ses thèmes, dans une tessiture plutôt grave. Rien d’ostensible, de m’as-tu-vu : l’œuvre est un secret qui ne dévoile son émotion intime qu’à ceux qui savent la chercher.
O. Moulin
Symphonie n°2
Johannes BRAHMS (1833-1897)
Johannes Brahms s’attelle à l’écriture de sa deuxième symphonie au cours de l’été 1877, lors d’un séjour de villégiature à Pörtschach am Wörthersee, dans les Alpes autrichiennes, près de la frontière slovène. Il a alors 44 ans, et sa première symphonie, péniblement et longuement mûrie durant plus de vingt ans à l’ombre tutélaire et encombrante de Beethoven, vient de connaître un franc succès. Libéré semble-t-il du poids de ce “géant marchant derrière lui”, ainsi qu’il l’écrit à un ami, il aborde l’écriture de cette deuxième symphonie avec beaucoup plus d’aisance. Elle est achevée en quelques mois et créée le 30 décembre 1877 à Vienne, sous la direction de Hans Richter.
Au premier abord, cette deuxième symphonie s’éloigne radicalement des noirceurs et du tragique de la première. Sa tonalité de ré majeur l’attire naturellement vers la lumière tandis que sa structure très classique (un long premier mouvement au caractère affirmé, un deuxième mouvement lent et profondément romantique, un scherzo court et léger, avant un final brillant) et sa cohérence stylistique et thématique l’ancrent solidement dans le grand répertoire symphonique. La douceur paisible des thèmes et leur apparente simplicité – on croit d’ailleurs entendre au violoncelle, dans le premier mouvement, le thème de la célèbre berceuse de Brahms ayant accompagné nos nuits enfantines – ont parfois mené les commentateurs à la comparer à la Symphonie Pastorale de Beethoven. Ce que confirme le scherzo, tout en subtile légèreté, évoquant une chanson populaire.
Cependant, avec Brahms, rien n’est jamais simple, et derrière la sérénité de façade d’un compositeur dans la force de l’âge se cache un tempérament plus sombre. Dans sa correspondance, il décrit cette symphonie avec une ironie parfois acerbe, où affleurent ses doutes et sa profonde mélancolie. Il qualifie ainsi sa nouvelle œuvre de “simple sinfonietta”, la résumant à un unique “accord de fa mineur répété un bon moment, en alternant les graves et les aigus, fortissimo et pianissimo”. À son éditeur, il prédit d’ailleurs qu’elle sera “à coup sûr un véritable flop”, et l’avertit en ces termes : “la nouvelle symphonie est si mélancolique que vous ne la supporterez pas. Je n’ai jamais rien écrit d’aussi triste, d’aussi mineur : vous devrez publier la partition bordée de noir. Je vous aurai assez prévenu. Voulez-vous réellement publier une chose pareille ?” Et, de fait, la noirceur n’est jamais loin : cuivres et timbales font planer une ombre menaçante sur le premier mouvement, et Brahms ne renonce jamais à une dissonance grinçante lorsque le climat semble se faire trop serein.
Toute brahmsienne dans ce clair-obscur si romantique, animée d’une pulsation permanente qui conduit le propos même dans les tempi les plus lents, cette deuxième symphonie s’est rapidement imposée comme une pierre angulaire du répertoire symphonique. Au sein de ce programme, elle propose un pendant plus apaisé aux tourments de Schumann, dont Brahms était d’ailleurs l’ami proche.
F. Layani
Pierre FOUCHENNERET
Artiste insatiable, fort d’une discographie de plus d’une vingtaine de disques, il dédie plusieurs années de sa vie à l’œuvre d’un compositeur, s’entoure des plus beaux chambristes pour, le plus souvent, en graver une intégrale. En 2016, il enregistre chez Aparte l’intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven avec Romain Descharmes. En 2018 paraît le premier volume d’une intégrale de la musique de chambre de Gabriel Fauré avec Simon Zaoui et Raphaël Merlin.
Il se lance également avec le quatuor Strada, E. Lesage, F. Pujuila, A. Boisseau… dans le projet insensé de jouer toute la musique de chambre de Brahms.
L’intégrale parait chez B-Records au cours des saisons 2018 à 2021. Au printemps 2020 paraît son enregistrement des octuors de Schubert et de R. Merlin aux côtés notamment de N. Baldeyrou, D. Guerrier ou encore M. Desmons.
Enfant prodige, Pierre Fouchenneret obtient à 16 ans son premier prix de violon et de musique de chambre au CNSM de Paris dans les classes d’Olivier Charlier et de Daria Hovora, et remporte ensuite le Grand Prix du Concours International de musique de chambre de Bordeaux, le Grand Prix Georges Enesco de la Sacem, et devient lauréat de la fondation Natixis et artiste associé de la Fondation Singer Polignac.
Invité sur les scènes du monde entier, l’« archer hors norme » (Le Figaro) qu’est Pierre Fouchenneret est rapidement amené à jouer avec des musiciens d’exception tels que le Fine Art Quartet, Jean-François Heisser, Jean-Frédéric Neuburger, Zongh Xu, Julien Leroy, Nicolas Angelich… et fonde en 2013 le Quatuor Strada avec Sarah Nemtanu, Lise Berthaud et François Salque.
Artiste complet, Pierre Fouchenneret est reconnu par les orchestres français et internationaux pour son audace et sa vision du répertoire. Il a notamment été invité par l’Orchestre de la Suisse Romande, le Suzhou Symphony Orchestra, l’Orchestre National de Bordeaux, le Philarmonique de Brno, les Philharmoniques de Nice et de Strasbourg, le Baltic de Saint Petersbourg ou l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine.
François Pinel
Musicien, pianiste et chef d’orchestre, François Pinel multiplie les expériences artistiques au gré des hasards et des rencontres. Il coopère avec l’artiste Lee Mingwee au Centre Pompidou ou avec le compositeur Alexandre Desplat pour des longs métrages de Roman Polanski et Jacques Audiard, joue Berg et Schönberg en Chine, Debussy et Ravel à Alger, Enesco et Beethoven au Mexique ou Mozart et Brahms à Lisbonne, donne des Masterclasses dans les universités brésiliennes et turkmènes, participe aux festivals de Cambridge, d’Aix-en-Provence et de Recife, se produit aux Théâtre des Bouffes du Nord, à la Philharmonie de Paris et collabore avec le Chamber Orchestra of Europe, l’Orchestre de Bretagne ou l’Ensemble Matheus.
Formé notamment par Pierre Froment, éminent disciple d’Alfred Cortot, puis par Alain Planès au CNSM de Paris, il étudie la direction d’orchestre avec le chef allemand Robin Engelen au Conservatoire Royal de Bruxelles.