Rencontre avec Marc-Olivier de Nattes

Violoniste et chef d'orchestre

Marc-Olivier de Nattes

Les Ondes ont l’honneur d’être dirigées, cette session, par Marc-Olivier de Nattes, violoniste à l’Orchestre national de France, dont il est aussi responsable de la programmation éducative et culturelle, et co-créateur et chef passionné de Viva l’Orchestra (l’Orchestre des Grands Amateurs de Radio France). Entretien.

Pourquoi as-tu proposé aux Ondes de jouer Psyché, de César Franck ?

C’est une œuvre que j’ai découverte avec l’Orchestre National, sous la direction de Kurt Masur, qui, très attaché à cette œuvre, l’a fait connaître au public français.
César Franck est peut-être le plus allemand des compositeurs français. Son œuvre est très influencée par le Tristan et Isolde de Wagner dans l’écriture et l’orchestration, avec une instrumentation et des passages harmoniques qui se font écho. Mais Psyché doit garder une transparence française de son. C’est un romantisme caché qui évoque un amour universel. Il y a certes de grandes envolées, quand Psyché rencontre Eros par exemple, mais l’on reste dans la description du sentiment de communion amoureuse, plus que dans la matérialisation de l’amour physique. Ces dimensions spirituelles et mythologiques touchaient profondément Kurt Masur. C’est l’humanité entre les Humains.
J’ai proposé en miroir le « Prélude et mort » de Tristan et Isolde car il évoque le même sentiment d’amour qui transcende l’expérience terrienne. Sans oublier les résonnances et liens qui existent entre la mythologie grecque et la légende allemande.

Avec la comédienne Agathe Heidelberger, vous avez réécrit le texte. Pourquoi ?

Nous nous sommes inspirés des textes d’Apulée et de Jean de la Fontaine, avec le souci de rendre l’histoire compréhensible pour l’auditeur, et plus évident, le rapport entre récitante et chœur. Nous avons aussi effacé des interventions prévues sur la musique, pour laisser toute sa place à sa force expressive.

Quel défi soulève la direction de ces œuvres ?

Il s’agit de contenir l’émotion qui est à l’intérieur de la musique, sans l’éclipser, et sans la surjouer non plus : elle doit poindre comme une lumière.
Le risque, avec cette musique orchestrale massive, est que le musicien s’emporte en ayant l’impression que sa partie est la plus importante. Vu la taille de l’orchestre, la surenchère brouille la compréhension. Certes, chaque pierre est importante, mais il faut tenir sa place et dézoomer sa propre partition pour l’inclure dans le collectif.

On te connaît violoniste, mais aussi chef à Viva l’Orchestra.

Passer de l’un à l’autre, n’est jamais qu’une histoire de transmission. Que ce soit avec le violon, ou en tant que chef d’orchestre, il s’agit de rendre ce qu’on a appris, de partager, de transmettre ce que la musique, la rencontre avec les compositeurs et les musiciens, le plaisir de jouer ensemble, m’apportent.
Jouer seul confère une très grande liberté mais la vibration, la force du collectif, ne peut se transmettre au public que depuis l’orchestre.