Rencontre avec Dominique Brême

Directeur du musée du Domaine départemental de Sceaux

Dominique Breme

Pourquoi choisir les Planètes et en quoi cette œuvre résonne-t-telle avec le Domaine de Sceaux?

Le musée du Domaine départemental de Sceaux met en place une offre d’un nouveau genre : Les Grandes Heures de Sceaux.

Il s’agit de quatre week-ends annuels – du vendredi soir au dimanche après-midi – organisés autour de l’une des quatre grandes familles ayant possédé le domaine, du XVIIe au XIXe siècle (Colbert et son fils Colbert de Seignelay, le duc et la duchesse du Maine, le duc de Penthièvre, le duc et la duchesse de Trévise), et d’une thématique en relation avec leurs goûts, leurs activités ou les mœurs de l’époque. Toutes les formes d’expression artistique et de pratique culturelle – musique, théâtre, cinéma, expositions, ateliers… – composeront le programme de ces Grandes Heures.

Le premier rendez-vous est consacré à l’une des plus extravagantes princesses françaises, la duchesse du Maine qui, parmi ses nombreuses passions (dont le poulet rôti), cultivait celle de l’astronomie. Son conseiller en sciences, fêtes et cérémonies (car tout cela se mêlait en d’interminables nuits de réjouissances) était Nicolas de Malézieu, membre de l’Académie Française, auteur, mathématicien, géomètre et astronome estimé. Le musée conserve un fort beau tableau de François de Troy – La Leçon d’astronomie de la duchesse du Maine (vers 1702) – montrant l’érudit enseignant à Ludovise (on l’avait ainsi joliment surnommée) le mouvement des sphères célestes.

Dans le cadre de ces Grandes Heures, nous avons souhaité donner un beau concert d’ouverture et, dès que l’on pense astronomie et musique, vient à l’esprit la suite fameuse de poèmes symphoniques de Gustav Holst intitulée Les Planètes, créée en 1918. Nous ne pouvions croire que cette œuvre ambitieuse eût quelque chance d’être donnée dans l’Orangerie de Sceaux, mais cela était sans compter sur l’enthousiasme naturel de l’ensemble Ondes plurielles qui, justement, aime à relever ce genre de défi…

Quel lien avez vous avec Ondes plurielles et pourquoi choisir un orchestre amateur pour un projet comme celui ci?

L’ensemble Ondes plurielles s’est déjà produit à Sceaux. Nous l’avons sollicité une première fois, un peu par curiosité, et avons été immédiatement séduits, au-delà de la grande qualité musicale de l’intervention, par l’enthousiasme, l’adaptabilité (pour ne pas dire la plasticité) et surtout le goût du « pas de côté » qui animent le groupe. En deux mots, l’amateurisme éclairé que vous représentez a ceci de rafraîchissant qu’il est audacieux dans ses projets et d’un allant sincère, immédiatement communicatif, des qualités qui parfois se sont un peu émoussées au sein d’ensembles plus institutionnels.

En outre, l’amateurisme – au sens noble du mot – est bien ce qui caractérisait les folles soirées de Ludovise qui, elle-même, n’hésitait pas à monter sur les planches de son petit théâtre, entourée de courtisans non moins entreprenants, pour se livrer à l’empire des arts : reconnue pour sa maîtrise de la viole de gambe et de la flûte, la duchesse du Maine n’était pas davantage effrayée par le rôle de Célimène qu’elle porta avec la plus grande conviction. Fontenelle et Voltaire furent souvent de la partie… La musique mêlée d’astronomie, servie par des amateurs seulement préoccupés par l’intensité et la qualité de l’instant, s’inscrit dans une tradition dont résonne infiniment toutes les pierres de Sceaux. Vous êtes ici chez vous.